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Ressourcer la recherche et les hommes

Les semenciers consacrent des budgets de plus en plus importants à la recherche, mais aussi aux ressources humaines.

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Entre 2006 et 2011, le budget recherche des entreprises semencières a augmenté de 25 %, en France, en passant de 189 à 236 M€ par an. C'est ce qui ressort de la dernière enquête « structure » que le Gnis réalise tous les cinq ans sur le secteur des semences. En 2011, les entreprises investissaient en moyenne 13 % de leur chiffre d'affaires dans la R & D. Aujourd'hui, ce chiffre devrait plutôt se situer, selon le président du Gnis, autour de 14-15 %, ce qui situe le secteur des semences, au niveau de celui de la pharmacie.

A l'échelle de la planète, ce sont les OGM qui consomment la plus grosse part des budgets recherche au sein des groupes semenciers. « Ce sont aussi les OGM qui apportent les gains les plus significatifs, et c'est encore pour moi incompréhensible, qu'on se soit bloqué à ce point contre leur développement en Europe », regrette Marc Van Montagu, ancien directeur du laboratoire de génétique de Gand, en Belgique. Fondateur de PGS, avec son collègue Jozef Schell, il a mis au point les premières plantes OGM en 1983. Il vient d'ailleurs pour cela de recevoir, le 16 octobre dernier, avec les chercheurs américains Marie-Dell Chilton et Robert T. Fraley, le World Food Prize, à Des Moines, aux Etats-Unis. Les variétés OGM ont été cultivées en 2012 sur 170,3 Mha, l'équivalent des surfaces agricoles de l'Union européenne (172,9 Mha). En plus du maïs, du soja, du colza et du coton, les recherches OGM concernent de nouvelles espèces comme le blé, où la canne à sucre, avec le programme dévoilé récemment par BASF au Brésil. En Europe, seule l'Espagne accueille des surfaces significatives de plantes OGM. « Le maïs Bt représente selon les régions, entre quelques pour-cents et 70 % des surfaces de maïs, et les agriculteurs n'ont aucun souci pour commercialiser leur production », précise Joan Serra Gironella du centre de recherche Irta de Catalogne.

Cap sur le phénotypage à haut débit, la génomique

Les Européens, qui souhaitent investir dans les recherches OGM, ont été obligés de le faire sur le continent américain. C'est le cas de Syngenta, Bayer, Limagrain, KWS, BASF, Florimond Desprez... Faute de pouvoir utiliser la technologie OGM, les semenciers européens poursuivent d'arrache-pied leurs programmes de sélection conventionnelle. Les équipes de sélection représentent encore en France, 75 % des effectifs de recherche des entreprises. Ils tentent aussi d'exploiter tous les outils que peuvent leur offrir les biotechnologies, marqueurs moléculaires, génomique, phénotypage à haut débit... Pour cela, ils travaillent seuls, ou au travers de programmes ambitieux comme Breedwheat, en blé ou Aker, en betteraves sucrières, Rapsodyn en colza, Amaizing en maïs ou Peamust en pois protéagineux... Des projets qui bénéficient de fonds publics dans le cadre des programmes Investissements d'avenir. « Même si on a l'impression, aujourd'hui, que le progrès génétique stagne dans certaines espèces, les investissements très importants réalisés dans les biotechnologies vont finir par porter leurs fruits, estime Marc Van Montagu. La recherche est vraiment en train de s'accélérer, je suis persuadé que les travaux engagés vont déboucher sur un pas génétique très important pour les productions végétales en Europe. » Les semenciers semblent eux aussi confiants sur les possibilités offertes par la génétique puisque d'après l'enquête du Gnis, ils prévoient des budgets d'investissement en sélection en hausse de 40 % sur la période 2012-2017.

Rester hors-champ de la brevetabilité

« Mais attention, pour préserver le dynamisme des semences en France, il sera essentiel dans les années à venir de s'assurer que les plantes et les gènes naturels restent exclus du champ de la brevetabilité, c'est primordial et c'est un dossier sur lequel il va falloir se défendre à l'échelle européenne », estiment Géraldine Ducos, Jean-Luc Pujol et Aude Teillant du Commissariat général à la stratégie et à la prospective qui viennent de boucler une étude sur le secteur des semences. « Il en va du maintien d'un tissu européen d'innovation et de sélection actif. Et en arrière-plan, de la capacité à assurer la sécurité alimentaire européenne. » Les trois auteurs de l'étude émettent également trois autres recommandations à la filière et notamment celle de trouver dans la rémunération de la recherche sur les semences de ferme, un juste équilibre entre les intérêts des semenciers et ceux des agriculteurs. Ils encouragent aussi les semenciers à mettre en place des programmes de sélection sur des espèces aujourd'hui moins cultivées comme les légumineuses et soulignent la nécessité de définir un statut réglementaire clair et adapté pour les variétés population ou issues de la sélection « participative ». Et le bio dans tout cela ? Serait-il le parent pauvre de la recherche ? « Non, de plus en plus d'entreprises proposent une gamme de variétés bio à leur catalogue et des semences bio, constate Daniel Segonds, c'est le cas notamment de Lemaire Deffontaines, mais aussi d'autres semenciers. »

Autre particularité du secteur semences, c'est un domaine où les hommes jouent un grand rôle, et où les entreprises continuent à investir dans le facteur humain. A côté de la production et de la recherche qui mobilisent une bonne partie des effectifs des semenciers, les fonctions marketing et commerciales sont aussi en progression.

« Le marché français n'est pas extensible, et je crois que les entreprises fonctionnent maintenant avec des équipes de techniciens et de commerciaux efficaces, souligne Daniel Segonds. Mais nous allons encore recruter des effectifs à l'export sur des marchés, notamment de l'est de l'Europe, où nous avons encore beaucoup à faire. » Quant à la communication, c'est peut-être le point faible de notre filière, regrette le président du Gnis.« Chacun dans nos entreprises, nous savons faire connaître nos produits auprès des agriculteurs, mais communiquer auprès du grand public, nous ne savons pas faire, or l'image des semences est déplorable. Ponctuellement, des opérations mises en place collectivement comme "Jardinons à l'école" fonctionnent très bien, mais il faudrait aller bien au-delà. Et nous sommes prêts à participer à une opération de grande envergure avec les agriculteurs, par exemple, pour redonner une image beaucoup plus positive de l'agriculture et des semences. »

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